Cet article, écrit par Christophe Levent a été partagé depuis le site du journal Le Parisien

« Embrasser quelqu’un, pas essentiel, ouvrir un bouquin, pas essentiel, se promener en forêt, pas essentiel, danser en soirée, pas essentiel… ». Le refrain risque de vous trotter dans la tête pendant un moment. Il est l’œuvre de Grand Corps Malade. Une chanson écrite dans l’urgence, un cri du cœur autant que de révolte, au titre aux allures de slogan « Pas essentiel ». Une façon pour l’auteur – Fabien Marsaud de son vrai nom- de « Course contre la honte » de réagir, à sa façon, pleine de poésie et de finesse, au « non-essentiel » apposé par le gouvernement, comme une étiquette, sur la vie culturelle. Alors que le titre est en ligne depuis ce jeudi soir sur toutes les plateformes, l’artiste nous explique pourquoi, pour lui, c’était essentiel.

Comment et quand est née cette chanson ?

Grand corps malade : Il y a deux semaines environ. Mais ça me trottait dans la tête depuis un moment. Depuis que j’avais entendu que les salles de concerts, les librairies, les théâtres étaient considérés comme « non essentiel »…C’était violent, maladroit. Je voulais parler de toutes ces choses qui peuvent paraître non essentielles et qui finalement nous font vivre.

Ce n’est pas un plaidoyer pour demander la réouverture…

Non, je voulais pas faire un truc plombant sur « la culture va mal ». C’est plutôt une ode à la liberté. À toutes ces petites choses dont nous sommes privés et qui font qu’on se lève le matin. Mais bien sûr, c’est aussi un peu cynique.

C’était donc avant les annonces de Jean Castex ce jeudi… Vous en pensez quoi?

Forcément, on le prend mal. Je ne veux pas taper sur le gouvernement mais il y a quand même un sentiment d’injustice quand on voit que les transports sont blindés, que les lieux de cultes restent ouverts… Ça commence à faire long. J’ai des amis qui crèvent la dalle et qui se demandent s’ils vont pouvoir continuer leur activité.

L’injustice, c’est le sentiment qui vous habite aujourd’hui ?

Oui et beaucoup de frustration. Si je fais ce métier, c’est pour pouvoir être sur scène, voir les gens danser. J’ai une tournée prévue en novembre. Maintenant, on commence à avoir des doutes sur tout. Est-ce qu’elle va pouvoir avoir lieu…

Vous comprenez les appels à la désobéissance contre les mesures anti-covid comme celui lancé par Nicolas Bedos en septembre ?

Je trouve cela un peu facile, surtout si on a 20, 30 ou 40 ans. Moi le Covid, je l’ai eu. Mais je mets un masque, je me lave les mains, je fais attention. Je pense à mes aînés. Respecter le confinement, c’est un acte citoyen.

On a vu s’afficher « Pas essentiel » en lettre rouge sur la façade de l’Olympia. Pourquoi ?

C’était pour le tournage du clip que nous voulons sortir rapidement. Les gens l’ont vu et ont cru que cela venait de la salle… Mais il paraît que le Bataclan l’a affiché aussi maintenant. Ça serait génial que d’autres le fassent. Pas pour la promo mais pour faire passer le message.

« Pas essentiel », c’est comme ça que l’on se sent quand on est artiste aujourd’hui ?

Non. Je crois qu’on l’est. Parce qu’il y a tellement de gens qui nous demandent « quand allez vous remonter sur scène », tellement qui ont envie de retourner au théâtre, au cinéma.

Vous aimez, comme vous l’avez fait avec « Mesdames », votre dernier album, faire passer des messages ?

Seulement quand je pense être légitime. Alors oui, il y a toujours deux ou trois textes sur mes albums qui sont en lien avec l’actualité. Simplement parce que je ne suis pas un artiste en dehors de la vie, je lis, je regarde la télé. Je suis un citoyen.

C’est quoi votre rêve aujourd’hui ?

« Pas essentiel » est un titre très dansant. Alors je ferme les yeux, je m’imagine sur scène, dans le futur, avec tout un public qui danse dessus. En se souvenant de toutes ces choses pas essentielles dont on a été privé et dont il faut profiter.